La révision en cours de la Loi sur la transplantation n'est pas assez ambitieuse. En l'état, le nombre de donneurs d'organes restera largement insuffisant en Suisse. En effet les mesures organisationnelles au niveau des hôpitaux, mêmes si elles sont très importantes et je les salue, ne suffiront pas à augmenter substantiellement le taux de donneur dans notre pays. Or les chiffres sont alarmants : à fin 2012, le nombre de personnes en attente d'un don s'élevait à plus de 1100. A fin juin 2013, la situation s'est encore empirée puisque 1208 personnes étaient en attente. Ainsi, près de 100 personnes meurent annuellement en Suisse en raison de cette pénurie. Selon une étude commandée par Swisstransplant, le taux de refus post-mortem est en hausse et s'élève en moyenne à plus de 50 % contre 30 % au niveau européen.
Cette situation peut également provoquer des comportements très problématiques tels que le tourisme de transplantation et hors de nos frontières un potentiel commerce illégal d'organes, dénoncé il y a quelques mois au niveau international.
Au vu de la gravité de cette évolution, en plus des mesures organisationnelles nécessaires au niveau des hôpitaux, un changement de système s'impose. Il s'agit de passer de la pratique actuelle du consentement large au régime du consentement présumé, comme mis en œuvre dans 9 pays sur 10 connaissant le taux de donneur le plus élevé au monde. Cette proposition fait l'objet de ma motion déposée en septembre 2012.
En Suisse, chacun doit effectivement pouvoir décider librement s'il désire oui ou non donner ses organes...et sa décision doit être respectée. Malheureusement, aujourd'hui nombre d'entre nous ne se posent pas la question ou du moins ne manifestent pas sa volonté. Cette situation doit changer. Le régime du consentement présumé impose aux citoyens la réflexion et une décision libre quant au fait de devenir donneur d'organes.
Pratiquement, dans un délai raisonnable chacun devrait se déterminer librement dès l'âge de 18 ans ou à l'arrivée en Suisse quant à son statut de donneur. En l'absence de réponse, le résidant est considéré comme donneur présumé. Il peut changer de statut tout au long de sa vie. Une base de données serait ainsi créée, facilitant l'administration médicale. A cet égard le dossier électronique du patient pourrait jouer un rôle facilitateur.
A noter que le la mise en œuvre du consentement présumé large devrait inclure un droit de veto de la famille proche, permettant ainsi une pratique respectant à tout moment la volonté des familles. Ainsi les principes éthiques resteront le cadre de cette décision médicale et morale importante.
Des pays comme l'Autriche, la Norvège, la Belgique, l'Italie ou la Finlande pratiquent déjà le régime du consentement présumé large. Dans ces Etats, les personnes ne souhaitant pas être donneurs d'organes s'annoncent dans un registre national. En conséquence, en comparaison internationale, les dons d'organes atteignent un niveau élevé dans ces pays.
Finalement, rappelons qu'en Suisse chacun est considéré comme receveur présumé, dès lors, par pure cohérence avec soi-même et son prochain le statut de donneur présumé doit s'imposer. On pourrait même prétendre que le système actuel est implicitement ou par défaut égoïste.
En Suisse, seul le cumul des mesures organisationnelles proposées par le Conseil fédéral d'une part et le régime du consentement présumé large d'autre part permettra réellement à augmenter le nombre de donneurs et à sauver des vies.