Récemment, quelqu’un m’a demandé pourquoi il faudrait reprendre des négociations avec l’Union européenne, alors que « tout va si bien en Suisse » ! Eh bien, il faut reprendre les négociations avec l’Union européenne pour actualiser les Accords bilatéraux. Car justement si on peut dire « tout va bien en Suisse », au moins sur le plan économique, c’est grâce aux Accords bilatéraux qui sont en vigueur depuis un peu plus de 20 ans.
Prenons juste une réalité : actuellement, une entreprise qui fabrique son produit en Suisse peut le vendre sans autre nouveau contrôle de conformité dans les 27 pays membres de l’Union européenne – c’est ce qu’on appelle la libre circulation des biens et des marchandises. Demain, aujourd’hui déjà pour plusieurs produits médicaux, si on n’actualise pas cet Accord, alors le produit fabriqué en Suisse devra passer un contrôle de conformité dans chacun des pays de l’Union dans lequel l’entreprise suisse voudrait le vendre ! Soit des coûts supplémentaires et une perte de temps aux conséquences importantes face à la concurrence.
Cette entreprise aurait alors tout intérêt à déplacer la fabrication dans un seul des pays membres afin de pouvoir ainsi automatiquement vendre dans tous les autres pays ! Cela aurait alors pour conséquences moins d’innovations et moins d’emplois en Suisse. Cela voudrait dire donc moins de clients à la boulangerie ou chez le fleuriste, tout comme chez le garagiste. C’est ce qu’on appelle le cercle interactif de l’économie, qui serait ici malheureusement négatif ! Rappelons aussi, pour illustrer encore l’importance de ces relations commerciales pour notre pays et tous ses habitants, que ce que la Suisse vend dans la seule région du Land de Bade Württemberg dépasse nos exportations dans toute la Chine !
Le Conseiller fédéral PLR Ignazio Cassis, en charge du Département fédéral des affaires étrangères, comprend bien cette situation et agit avec ses équipes pour relancer le processus permettant de définir un mandat de négociation. Mais récemment le Conseil fédéral a préféré décaler une telle décision après les élections de l’automne 2023.
Les Cantons, eux, ont bien compris la nécessité de s’engager sans délai : ils ont décidé ce printemps à l’unanimité – oui, à l’unanimité ! – qu’une « nouvelle étape doit désormais être franchie pour garantir la stabilité et le développement des accords bilatéraux ». L’économie comprend bien, elle aussi, dans quelle situation nous sommes et celle moins assurée vers laquelle nous allons si nous ne faisons rien : elle réclame très clairement que les accords actuels soient actualisés et que de nouveaux accords soient même envisagés. Nos hautes écoles et la recherche suisse voient hélas très clairement les conséquences en matière d’innovations et de financements de ne plus être membre complet des programmes Horizon et Erasmus. Même certains syndicats comprennent très bien que leur mission de protection de l’emploi en Suisse passe aussi par des Accords bilatéraux actualisés !
Bien sûr, les éléments fondamentaux de la protection des salaires et des conditions sociales devront être assurés. D’ailleurs, ils le sont aussi au sein de l’Union européenne ! Chaque pays lutte ainsi contre le travail au noir et le dumping, alors même que certains niveaux salariaux sont aussi très différents entre par exemple le Luxembourg et d’autres pays. Ainsi, les travailleurs de ces pays ne sont pas tous au Luxembourg pour y être employés à bas coûts et ainsi empêcher les Luxembourgeois de travailler, tout comme il n’y a pas de « tourisme social » avéré dans les pays dits riches de l’Union européenne ! Ainsi encore, plusieurs pays connaissent des législations nationales, reconnues comme telles dans le cadre de l’Union européenne, et fixant des salaires planchers, comme le font nos Conventions collectives de travail en Suisse.
Alors reprenons les négociations et permettons à notre pays et ses habitants de poursuivre cette situation de « tout va bien en Suisse » grâce à des Accords bilatéraux renouvelés.
Laurent Wehrli, conseiller national (VD)