Un délit contre l'honneur ne peut être retenu aujourd’hui que si la victime peut être clairement identifiée. Ce n’est pas le cas de groupes comme « les homosexuels ». Et de fait ils sont encore souvent l’objet d’insultes qui peuvent même conduire à des agressions physiques, comme récemment à Zurich.
La loi protège contre des discriminations grossières, comme interdire l’accès à un café à quelqu’un en raison de son origine. Mais il reste possible pour une crèche de refuser la garde d’un enfant ayant deux papas. Absurde ? C’est pourtant arrivé récemment en Argovie.
Une importante dimension pénale…
La question est de savoir si certaines attaques verbales, appels à la haine ou discriminations contre une communauté sont punissables - comme le sont les insultes racistes – ou non.
La loi – qui n’est qu’une extension à une nouvelle catégorie de personnes d’une norme existante - prévoit en particulier de punir « celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination », « celui qui, publiquement aura propagé une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique » ou celui qui aura « abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine ».
Les référendaires se trompent en disant qu’il s’agit d’une censure et qu’il ne sera plus possible débattre de l’homosexualité dans un cadre familial ou entre amis. Les discussions en privé sont exemptées. De plus seules seront prohibés l’insulte ou la propagande publique, l’appel à la haine ou les discriminations relatives à des prestations destinées à l’usage public (accès à un café, …).
… mais surtout une dimension éducative
La question posée est surtout importante sur le plan éducatif. La meilleure manière de lutter contre l’exclusion passe par l’éducation plus que par la sanction. Or le nombre de condamnations en vertu de l’actuel art. 261 bis CP est faible : env. 40 cas par an sont portés devant les tribunaux dont 60% aboutissent à des condamnations.
Mais l’effet éducatif est fort. Chacun sait qu’il y a des choses qui ne se disent pas parce qu’elles sont blessantes. L’Etat a posé les limites de la liberté d’expression là où celle-ci porte atteinte à la dignité d’autrui. C’est une vision très libérale : la liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre.
Aujourd’hui encore, les adolescents qui s’interrogent sur leur sexualité souffrent parce qu’ils se sentent différents. Le taux de tentatives de suicides chez les jeunes gays est de 2 à 5 fois plus élevé. Si la société laisse les insultes proliférer sans réagir, cela renforcera un sentiment d’exclusion, donc de souffrance et potentiellement de violence.
La Suisse que nous aimons n’est pas celle qui profère des insultes impunément, incite à la haine ou exclut : c’est celle qui intègre et protège ses minorités.