L’initiative populaire fédérale « Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac) » vise à interdire toute forme de publicité pour les produits du tabac qui pourrait potentiellement toucher des mineurs. Cette formulation revient dans les faits à une interdiction totale de la publicité, non seulement pour les cigarettes classiques ou les cigares, mais aussi pour les nouveaux produits de substitution comme les cigarettes électroniques. La raison invoquée par les initiants est que les jeunes commencent à fumer surtout parce qu’ils sont exposés de manière ciblée à la publicité.
La protection de la jeunesse est déjà garantie
Disons-le tout de suite : personne ne souhaite que les enfants et les jeunes fument. Les effets nocifs du tabagisme et le potentiel de dépendance sont largement connus. De nombreux fumeurs adultes ont commencé dès l’adolescence. Face à cet état de fait, le Parlement a déjà pris des mesures pour protéger les enfants et les jeunes. Elles se trouvent dans la nouvelle loi sur les produits du tabac, qui entrera en vigueur indépendamment de l’initiative. La nouvelle loi permettra de passer de réglementations cantonales à une réglementation nationale : interdiction de vente de produits du tabac aux moins de 18 ans et possibilité d’effectuer des achats-tests pour faire respecter cette interdiction. La publicité qui s’adresse spécifiquement aux enfants et aux jeunes est également interdite, ainsi que toute publicité du tabac dans les cinémas, sur les affiches dans l’espace public ou dans les transports publics. La publicité pour les cigarettes est déjà interdite à la radio et à la télévision. Au vu de ces dispositions, l’initiative est superflue.
Atteinte à la liberté économique
D’un point de vue libéral, il est aberrant – dans une économie de marché libérale – d’interdire des produits légaux. Cela représente une atteinte considérable à la liberté économique. Les cigarettes sont en vente libre dans tous les kiosques, stations-service, restaurants, etc. Il doit donc être possible, pour les entreprises qui les produisent, d’en faire la publicité. Il n’est pas acceptable d’interdire de facto la communication avec des clients potentiels pour un produit que certains groupes pointent du doigt. Il serait plus honnête d’interdire directement la production et la distribution, voire la consommation d’un tel produit, ce qui est en fin de compte l’objectif des initiants. L’interdiction de la publicité pour le tabac ouvrira la voie à d’autres interdictions. On peut clairement s’attendre à ce que soit bientôt revendiquée l’interdiction de la publicité pour la viande, par exemple. La tendance à vouloir prescrire à la population ce qu’elle peut manger, boire ou consommer (« moins de graisse », « moins de sucre ») se traduit de plus en plus par des interdictions dans le domaine du marketing et non par des interdictions directes des produits visés. Il faut mettre un terme à cette manière de procéder de façon détournée.
La publicité crée des emplois
L’initiative nuit également à l’économie. Les restrictions publicitaires touchent l’industrie de la publicité, mais elles touchent aussi les médias qui dépendent des recettes des annonces. C’est justement là que l’on voit à quel point l’initiative est extrême : même dans des journaux et des magazines comme Le Temps ou L’Illustré, ou encore sur les sites Internet de ces médias, la publicité pour les produits du tabac serait interdite, car on ne peut exclure que des enfants la voient. Enfin, même si certaines personnes refusent de l’entendre, l’industrie du tabac crée des emplois en Suisse. Personne ne semble s’en offusquer, tout comme on accepte volontiers les recettes de l’impôt sur le tabac pour l’AVS. En fin de compte, l’initiative fait en quelque sorte preuve d’hypocrite.
Pour toutes ces raisons, l’initiative « Enfants et jeunes sans publicité pour le tabac » doit être clairement rejetée. Le Parlement a agi là où c’était nécessaire avec la loi sur les produits du tabac. Il n’y a donc aucune raison de mettre la population davantage sous tutelle.
Regine Sauter, conseillère nationale ZH