Gripen : un crash annoncé

 

écrit par Raphaël Comte, conseiller aux Etats NE

 20140129

Ainsi donc, ce qui devait arriver est arrivé : au terme d'une campagne qui a eu de la peine à décoller, le souverain a refusé de sortir son chèque pour doter notre armée de nouveaux avions de combat. Si le peuple suisse a dit non à 53,4%, le score neuchâtelois est sans appel : avec près de 70% de refus, les habitants de notre canton n'ont pas fait dans la demi-mesure. Et pour que le résultat soit aussi net, c'est que de nombreux électeurs de droite ont choisi le camp du non, peu convaincus soit par la nécessité de cet achat, soit par le choix de l'avion.

 

 


Mais au-delà du rejet du Gripen, ce résultat résonne comme une défaite personnelle pour Ueli Maurer. Car si le peuple s'est bien prononcé pour ou contre le Gripen, et non pour ou contre un conseiller fédéral, force est de constater que les maladresses d'Ueli Maurer ont facilité le travail des opposants au Gripen. A n'en pas douter, les soldats maladroits rendent le champ de bataille peu sûr ! Et les erreurs ne se sont pas limitées à la campagne proprement dite : dès la phase des travaux parlementaires, le Ministre de la Défense a eu le don de se tirer des balles dans le pied. Lorsqu'un conseiller fédéral avoue, naïvement, devant le Parlement qu'il n'a pas lu le contrat d'achat du Gripen, ne maîtrisant ni l'anglais ni le suédois, difficile ensuite d'être crédible durant la campagne...


Le refus du Gripen place notre armée dans une situation délicate. Mais ce vote peut aussi constituer une occasion unique et permettre au Conseil fédéral de clarifier les missions de l'armée et les moyens nécessaires pour remplir ces missions. Aujourd'hui, le besoin se fait cruellement sentir de disposer d'une politique de sécurité renouvelée, répondant non seulement aux menaces traditionnelles mais également aux risques modernes. Car sans stratégie claire, sans vision d'avenir, il sera difficile de convaincre la population de sortir son portemonnaie, et le risque est grand de voir notre armée ne pas disposer des moyens suffisants pour assurer une politique de sécurité crédible.


Notre armée mérite d'être soutenue. Mais elle a aussi besoin d'une direction forte, dotée d'un sens politique aigu et d'une vision à long terme des défis qui nous attendent en matière de sécurité. Il ne suffit pas d'avoir des avions : encore faut-il un pilote à l'intérieur ! Au Conseil fédéral maintenant de redonner envie à notre population d'investir dans notre politique de sécurité et d'assurer à notre armée les moyens correspondant à ses missions.