L’initiative populaire lancée par le Parti socialiste, intitulée « Maximum 10 % du revenu pour les primes d’assurance-maladie » et soumise à l’approbation du peuple et des cantons le 9 juin prochain a, en réalité, trois objectifs distincts : fixer à 10 % du revenu disponible la charge des primes d’assurance-maladie, imposer aux cantons un subventionnement uniforme et contraindre la Confédération à assumer les deux tiers du subventionnement nécessaire.
L’idée de faire dépendre, pour partie, le montant de la prime d’assurance-maladie à la capacité financière de l’assuré ne peut pas être considérée comme étant d’emblée farfelue. Cela ne doit toutefois pas nous conduire à voter sans réfléchir une initiative qui semble proposer une mesure simple mais qui passe aussi sous silence un certain nombre de conséquences problématiques.
A ce jour, la Confédération et les cantons ont déjà pris des dispositions pour subventionner ceux qui n’arrivent pas à assumer le paiement de leur prime. La Confédération accorde aux cantons un montant qui correspond à 7,5 % du montant total des primes. Pour 2024, la Confédération accordera aux cantons plus de 3,3 milliards de francs. Pour Fribourg, par exemple, cela représentera près de 125 millions.
En sus de cette aide fédérale, les cantons sont libres d’accorder un subventionnement complémentaire. Et c’est là où le bât blesse. Certains cantons consacrent déjà des montants importants en faveur des assurés aux revenus modestes, soit plus de 800 millions dans le canton de Vaud, près de 700 millions à Genève ou près de 200 millions à Fribourg. En revanche d’autres cantons (NW, AI, SG, …) n’accordent que très peu d’aides additionnelles.
Il est important de souligner que les cantons qui ont décidé d’alléger la charge de leurs assurés les plus modestes l’ont toujours fait selon des critères propres et adaptés à la population de leur canton. La situation des Lausannois n’est pas exactement la même que celle des Verniolans ou des Bullois. A cela s’ajoute que l’augmentation de l’aide au paiement des primes s’est souvent inscrite dans le cadre d’une réforme de plus grande ampleur.
Dans le canton de Vaud, l’allégement massif des primes était une contrepartie à des baisses fiscales dont l’objectif était d’accroître l’attractivité de la région. À Genève, cet allègement a été instauré de façon conjointe à la mise en œuvre de la réforme fiscale des entreprises, avec l’idée que le paquet de mesures mis en place profite tant aux entreprises qu’aux personnes physiques de la classe moyenne. Ce n’est pas comparable à l’Initiative soumise au peuple le 9 juin, qui vise à une application uniforme dans tout le pays et qui ne propose aucune piste de financement.
Il découle de l’actuelle disparité des subventionnements cantonaux que la réforme envisagée par l’Initiative du Parti socialiste profiterait prioritairement aux assurés des cantons qui se sont montrés peu généreux. A l’inverse, les assurés des cantons socialement plus dépensiers ne verraient que peu, ou pas, leur sort s’améliorer.
En revanche, tous les contribuables suisses seraient très fortement impactés par la mise en œuvre de l’Initiative. En effet, cette dernière prévoit que la Confédération assume les deux tiers des coûts liés à la réduction des primes. Selon les estimations de l’Office fédéral de la santé publique, la mise en œuvre de l’Initiative engendrerait des coûts annuels supplémentaires de l’ordre de 4,5 milliards de francs et, dès l’année 2030, d’environ 6,5 milliards de francs, avec une fourchette allant de 5,8 à 9 milliards de francs.
En substance, cela correspondrait à une augmentation des dépenses globales de la Confédération d’environ 10 %, ce qui engendrerait inévitablement une hausse très importante de la fiscalité.
Le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale ne sont pas restés inactifs lors du dépôt de cette Initiative aux coûts financièrement insupportables. Ils ont élaboré un contre-projet indirect qui a d’ores et déjà été adopté par les deux chambres et qui entrerait immédiatement en vigueur dans l’hypothèse où l’Initiative du Parti socialiste serait refusée.
En substance, ce contre-projet prévoit deux de choses : il impose aux cantons de définir le pourcentage maximal du revenu disponible que les primes représentent et impose à chaque canton un subventionnement minimum qui dépendrait du niveau des primes et qui pourrait atteindre, comme pour la Confédération, 7,5% du montant global des primes.
L’initiative du Parti socialiste paraît séduisante à la première lecture, mais elle constitue un réel danger pour le pouvoir d’achat de la classe moyenne. En revanche, le contre-projet est un pas important dans le bon sens : tout en préservant leur autonomie, il contraint les cantons à une meilleure responsabilité sociale.
Article paru initialement dans le journal Profil